Le château de la Madeleine, à Chevreuse, est un site majeur pour l’étude du verre au Moyen Âge. Les nombreux fragments retrouvés, durant les campagnes de sondages archéologiques des années 80 et 90, se sont relativement bien conservés et présentent une grande variété de formes : flacons, lampes, urinaux*, gobelets, coupes, lissoirs et même salière.
Cette verrerie, qui montre beaucoup d’analogies avec les découvertes médiévales de la ville de Saint-Denis (93), est très homogène. La majorité des fragments de verre provient de deux fosses profondes ayant servis de dépotoirs, situées au milieu de la haute-cour et au sud-ouest du donjon, pour cette coupe.
Parmi les récipients identifiés à Chevreuse, les coupes sont assez nombreuses ; elles étaient fréquemment utilisées dans les seigneuries à la fin du XIIIe siècle et tout au long du XIVe siècle. Il en existe, à cette période, dans la plupart des régions de France.
Avec sa hauteur de 21 cm, la coupe "à tige" du château de la Madeleine est le plus haut récipient de ce type connu. Son style et sa taille particulièrement élancée permettent de situer sa fabrication dans la deuxième moitié du XIVe siècle.
Une partie des verreries du château pourrait avoir été fabriquée à proximité de Chevreuse. En effet, le recueil des comptes de Charles VI, pour l’année 1383, mentionne sa visite à des verriers près de la forêt de Chevreuse : "Maistre Johan de Montagu, secrettaire, pour don par lui fait aux voirriers près de la forest de Chevreuze, où le Roy estoit alez veoir faire les voirres" (Comptes de l’Hôtel des rois de France aux XIVe et XVe siècles, L. Douët-d’Arcq, Paris, 1865).
Aucune découverte archéologique ne permet, pour l’instant, de confirmer cette hypothèse.
* récipients à col incliné dans lesquels un homme allongé peut uriner.
Technique de fabrication du verre
Au Moyen Âge, deux méthodes sont utilisées pour façonner ces coupes : avec la tige creuse ou bien pleine. Celle présentée ici appartient à cette seconde catégorie.
Le verre de Chevreuse, de couleur verdâtre, a tout d’abord été soufflé en trois éléments distincts : un pour la coupe, un pour la tige et le dernier pour le pied.
- La coupe, soufflée et mise en forme dans un moule, est décorée de 9 côtes accolées, très saillantes près du centre puis s’aplatissant vers le bord.
- La tige, assez irrégulière, semble avoir été façonnée par étirement d’un morceau de verre soudé à la base de la coupe. On observe aussi, à mi-hauteur, un cordon ajouté qui sert à une meilleure préhension.
- Le pied est soufflé en forme de cône s’évasant en un disque plat. La marque de détachement du pontil* peut se distinguer encore en-dessous.
* terme de verrier pour la barre de fer servant à coller une petite masse de verre en fusion à un objet pendant sa fabrication (pour ajouter un pied ou une tige).
Une restauration délicate
Les interventions de restauration qui ont été pratiquées après la découverte ont consisté, dans un premier temps, à nettoyer à l’eau les 20 fragments retrouvés. Les recherches d’assemblage ont alors débuté pour mener au délicat collage des fragments à l'aide de Paraloïd B 72.
La forme obtenue était, d’une part, lacunaire – ce qui empêche de restituer correctement la forme et le volume –; d’autre part, fragile.
Le comblement des manques, à l’aide d’une résine polyester, a donc permis d’améliorer la solidité mécanique de l’objet tout en permettant d’apprécier sa forme et son volume originels. La couleur a été choisie de façon à dissimuler les parties restituées sans les rendre invisibles.
Les coupes à tiges pleines, étant épaisses, se sont bien conservées sur de nombreux sites archéologiques comme à Saint-Denis, Le Mans (dont un des exemplaires s’apparente au modèle de Chevreuse à 1 cm près), ou Toulouse. Le plus souvent, ce sont les fragments de tiges qui sont conservés, comme sur le site de la cour Napoléon au Louvre.
Ces verres élégants ne sont pas réservés aux tables françaises. Des modèles similaires ont été trouvés à Tournai en Belgique ou à Trèves en Allemagne, jusqu’en Angleterre et aux Pays-Bas.
Leur présence en nombre au château de Chevreuse permet de penser que la seigneurie était assez florissante au XIVe siècle. Cette vaisselle de prestige ornait peut-être les tables de banquets de Jeanne de Chevreuse, dernier membre de la famille à porter ce nom à cette époque (décédée en 1343) ou bien celles de Pierre dit "de Chevreuse", qui en devient le propriétaire en 1366 et apporta de nombreuses modifications au château…
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